[Fan-fiction VDF] Rouge

«Qu'il essaye» dit-il, avant de repartir déterminé.



Partie 1 :

Le pas de Mattéo n'était alors plus qu'un écho lointain. Le voyageur s'écroula. Ses jambes ne le tenaient plus. La fatigue, l'émotion, cette victoire qui n'en était pas une... Il subissait le contrecoup. Sa vue se troubla; tout était sombre pendant une seconde.

Il se dirigea machinalement vers une gamelle d'eau pour s’humecter le visage et nettoyer un peu le sang qui collait comme d'habitude à sa peau.

Il entendit un bruit lointain, un bruit qu'il ne connaissait que trop bien et qu'il refoula au fond de son esprit.

Il se regarda dans une glace. Il vit ses cheveux hirsutes, ses yeux pétillants de joie. Sa peau lisse, sans bandages ni ecchymoses, ne portait pas encore la marque du temps. Il voyait le fantôme de celui qu'il avait été au premier jour. Au fur et à mesure qu'il se scrutait, son visage changeait, se marquait. La tristesse remplaçait l'optimisme. Ses joues se creusaient, les blessures apparaissaient jusqu'à ce que la moitié de son visage ne soit plus qu'une masse informe rougeâtre et que son regard soit aliéné.

Ce bruit répétitif ne cessait de résonner à ses oreilles. Ses mains commencèrent à trembler.

« F*CK IT !» s'écria-t-il. Ce n'était pas son heure, elle n'avait pas à mourir. Pas elle avec qui il avait sincèrement ri pour la première fois depuis des années. Elle, qui avec Henri, Raph, Stella et même Mattéo, représentait les rares moments heureux qu'il avait eus depuis si longtemps. Il allait sauver le monde, il la sauverait elle.  Ses doigts appuyèrent nerveusement sur sa machine et il était parti.




Partie 2 :

Il atterrit tête la première dans la terre. Se relevant péniblement, il fut saisi par la noirceur de celle-ci. En portant son regard au loin, il ne distinguait qu'un ciel rouge-orangé qui semblait absorber la lumière de son environnement.

Le bruit était fort et proche.

Il se boucha les oreilles en hurlant pour ne pas entendre ce son. Son cri était primal, proche de l'animal. Il ne voulait pas entendre, il ne voulait pas se souvenir. Il aperçut une colline qu'il ne connaissait que trop bien et une silhouette familière affairée à sa tâche.
Il savait où il était. L'angoisse le saisit à la gorge, les larmes ne cessaient de couler, elles avaient le goût du sang. La terre de ses mains coulait en filets écarlates. Il se leva sans pouvoir se contrôler et avança. Il essaya de faire demi-tour, en vain. Il marchait péniblement. Il suppliait, s'excusait, se lamentait, il savait ce qu'il y avait en haut de cette colline et il ne voulait pas y retourner.

Tout était silencieux, pas un animal, pas de vent. Seul le bruit venait troubler la monotonie.

Il étouffait, suffoquait, il se frappa lui-même pour tenter de reprendre le contrôle de son corps. Il était furieux de perdre le contrôle. Ses jambes continuaient inlassablement leur chemin et avaient presque fini leur ascension de la colline. Il arriva enfin dans son enfer, son péché originel. Il se vit une pelle dans les mains, en train de creuser et de pleurer. Ce bruit qu'il avait entendu pendant des heures, qu'il s'était infligé, l'échec qu'il ne voulait plus revivre, il creusait la tombe de ses amis. Il n'était déjà plus ce jeune homme au visage pétillant, il était cet homme au regard triste. Il se contempla lui-même.




Partie 3 :

Il avançait seul sur un chemin. Des lances étaient dressées de part et d'autre. Tout était sombre sauf la route tracée devant lui. Chaque fois qu'il dépassait deux lances, celles-ci se transformaient en lames tranchantes et allaient entailler le sol, l'éclaboussant de sang. À chacun de ses pas, son corps devenait plus lourd, chaque fois que les lames s'abattaient, il redevenait suffisamment léger pour faire quelques pas de plus. Tous ses amis, tous ses compagnons étaient là, au-dessus de lui, à le regarder, à le juger. Il le savait mais ne pouvait pas supporter leur regard. Certains étaient en vie, certains l'avaient quitté, d'autres comme eux, comme elle, avaient succombé. Il ne voulait plus avancer, il ne pouvait plus supporter le poids du monde, le poids des morts sur ses épaules. Il s'était dit « plus jamais ça. » Il avait recruté des professionnels, il était sûr qu'ils ne s'attacheraient pas, qu'ils ne succomberaient pas, ce n'était pas les jeunes fous de ses débuts, il avait échoué.

Ce n'était plus un bruit de pelle qui creuse qu'il entendait au loin mais un bruit métallique. Celui d'une détente qu'on presse et d'une balle qui part.

Il avançait dans le tunnel qu'il fuyait dans ses souvenirs et passa une porte lumineuse



Partie 4 :

Il était recroquevillé, nu et abattu, en position fœtale. Tout était d'une lueur radioactive autour de lui mais il s'en fichait. Il voulait dormir et ne plus se réveiller. Non, il lui fallait Henri, il avait besoin d'Henri. Il l'avait choisi, car il ne voulait plus perdre personne. Ce n'était qu'un robot, il ne mourrait jamais, lui. Oui, il devait retrouver Henri et tout irait bien avec lui, dans ses bras. Il le réalisa alors. Henri n'était plus un robot. Il était bien plus et il mourrait un jour, Raph n'était plus le garçon paumé qu'il avait connu, c'était un ami, Mattéo un compagnon d'armes, Stella était attachante. Ils avaient tous une place dans cœur. Il sanglota en réalisant qu'il les perdrait forcément un jour.

« Quitte-les » murmura une voix connue.
« Tue-les » en chuchota une autre.
« Quitte-les et sauve-les » rétorqua une troisième voix.
« Tue-les et quitte-les » lui répondit-on.
« Tu les tueras comme tu nous a tué » clama enfin une voix plus jeune et enfantine que les autres.

Ses yeux étaient écarquillés, il ne percevait plus rien. Un filet de bave coulait le long de son menton. Le moindre de ses cheveux semblait peser une tonne. Il entendit soudain un applaudissement. Cherchant difficilement du regard, il vit une femme en rouge qui approchait lentement. Un deuxième applaudissement retentit, elle continuait d'avancer, un troisième, puis juste au-dessus de lui, un quatrième.
Son air d'abord sévère s'adoucit et elle déposa un baiser sur son front. Un sourire triste sur le visage, elle lui dit :
« Protège-le, fais-le grandir, guide-la, aime-le, pardonne-toi. Et maintenant, debout .»



Partie 5 :

Il était assis par terre, adossé au mur. Il ne savait pas combien de temps il était parti, mais il avait recommencé. Il se releva en titubant et lâcha la lame de rasoir dégoulinant de sang. En se regardant dans un bout de miroir cassé, c'était bien son visage qu'il voyait ornementé d'une nouvelle blessure sanguinolente. Il était grave, plus sérieux qu'il ne se souvint jamais l'avoir été. Était-ce réel ou non ? Il n'en savait plus rien. Peu importe. Il avait des gens à voir, à commencer par Henri. Il se savait à la limite.  Une perte de plus serait une de trop pour lui et il n'en reviendrait pas, plus jamais. D'abord Henri, puis il passerait chez Raph, mais il ne pourrait pas rester. Il n'avait pas la force de lui avouer, la culpabilité le dévorait trop. Mais il allait l'écouter, elle. Il agirait autant que possible dans leur vie avant de s'éclipser.

Avant de se séparer de Constance, il lui répéta son nouveau mantra, sa nouvelle force directrice.

« Mais maintenant, je sais. Voilà comment je sauve les gens : je les quitte.»