[Fan-fiction des Contes de Nina] La petite souris qui voulait partir à l'aventure

C'est un texte écrit originellement pour le concours de contes à la façon de Nina.

Les principales règles à respecter étaient de faire :

• Un conte urbain (se passant en ville)
  
• Dans une ambiance des Contes de Nina
  
• Dans le thème des fêtes de fin d'année

L'illustration est d'@Aelis.

Pour découvrir les œuvres des autres candidats (texte et/ou illustration) et voter pour votre favori.te, vous pouvez consulter ce topic !

Sur ce, bonne lecture !

LA PETITE SOURIS QUI VOULAIT PARTIR À L’AVENTURE

Il était une fois une petite souris grise qui s’ennuyait beaucoup. Elle vivait à l’étroit dans le trou d’un mur avec son papa, sa maman, et tous ses frères et sœurs. Seuls les parents avaient le droit de sortir pour se risquer à l’intérieur de l’Antre des Géants.

Souvent, ils rentraient bredouilles. En revanche, lorsqu’ils étaient chanceux, ils ramenaient des mets plus délicieux les uns que les autres : des croûtes de fromages, des trognons de pommes, de la mie de pain et même parfois (c’était le plat préféré de la petite souris grise) quelques grains de maïs.

Tous les soirs, au moment du coucher, Papa Souris et Maman Souris leur racontaient des histoires sur les Grands Méchants Géants. Alors que ses frères et sœurs tremblaient de concert, terrifiés, la petite souris grise, elle, frémissait moins de peur que d’excitation. Elle s’imaginait l’Antre des Géants comme un monde d’aventures, regorgeant de dangers et de trésors, et attendait avec impatience le jour où elle partirait l’explorer à son tour.


Un nuit, la petite souris grise ne put plus supporter l’attente quotidienne interminable et l’étroitesse de son trou. Profitant que ses parents soient sortis et que ses frères et sœurs dorment, elle s’aventura dans l’Antre.

En passant la tête à l’orée du trou, elle eut un instant d’éblouissement. Que c’était grand ! Qu’il faisait bon ! Que c’était beau ! Que ça sentait bon !

Elle qui n’avait connu que la pénombre de son trou, elle découvrait un nouveau monde de couleurs. Des lumières clignotaient de toutes parts. Tout n’était que blanc, vert, rouge, doré, argent… Un sapin trônait au centre de la pièce, lourdement chargé de boules colorées et de fils à franges brillants.

La petite souris grise s’approcha de l’arbre et entreprit de le grimper pour avoir un meilleur point de vue sur ce nouveau monde. Toute occupée à son escalade, elle n’entendit pas la porte s’ouvrir. Lorsqu’elle atteignit le sommet de l’arbre et qu’elle se retourna, elle se figea avec horreur.

Un Grand Méchant Géant était là et la regardait.

Ses pupilles, petites et angoissantes, étaient cerclées de blanc et de bleu. Il se tenait sur ses deux pattes arrières, son corps majoritairement couvert de tissus. Mis à part sur le haut de son crâne, aucun poil ne recouvrait sa peau nue, ce qui faisait frissonner la petite souris de dégoût. Son visage était rond, large et plat, son museau séparé en un nez et une bouche ornée de babines épaisses. Il n’avait pas de moustache ni de queue et ses oreilles étaient ridiculement petites par rapport à sa taille. Elle n’avais jamais vu de créature aussi repoussante.

Après un moment de silence, il sembla chercher quelque chose du regard. Un piège mortel ? Un poison létal, lent et douloureux ? se dit la petite souris grise, tremblante de peur. Finalement il prit un tabouret et monta dessus. Il était maintenant à sa hauteur. Elle se rendit soudainement compte qu’il était bien moins grand que la description que ses parents lui avaient faite des Géants. Il tendit tout doucement une main vers elle.

“Tu n’arrives pas à descendre du sapin petite souris ? Viens, n’aies pas peur, je vais t’aider.”

Il avait une voix douce et un peu aiguë, comme celle d’un enfant. La petite souris grise lui renifla le bout des doigts. Il dégageait une odeur agréable, ses mouvements étaient calmes, lents et, surtout, semblaient indiquer qu’il ne la forçait en rien. S’il avait voulu lui faire du mal, acculée comme elle l’était, il aurait pu l’attraper facilement. Laissant de côté toute prudence elle monta sur la main qu’il lui présentait. Le visage du Grand Méchant Enfant Géant s’illumina et la petite souris grise trouva finalement qu’il n’était pas si hideux. Elle se sentait bizarrement bien, en sécurité dans la chaleur du creux de sa paume. Alors qu’il commençait à la caresser il lui dit :

“Moi c’est Gaëtan, et toi je vais t’appeler Grimpette ! Tu veux devenir mon amie ?”


Toutes les nuits, pendant des semaines, Gaëtan et Grimpette se retrouvaient en cachette de leurs parents respectifs. Pour la petite souris grise, Gaëtan modelait chaque jour de nouveaux parcours composés de jeux d’adresses et d’énigmes astucieuses qu’elle se faisait un grand plaisir de résoudre.

Un soir, quand elle fit mine de vouloir aller à l’extérieur, Gaëtan lui dit qu’il n’avait pas le droit de sortir la nuit et que la journée il ne pourrait pas la prendre avec lui, c’était trop risqué pour tous les deux. Grimpette se fit une raison. Après tout elle était très heureuse ainsi : elle avait un nouveau terrain de jeu, elle n’avait plus peur des Grands Méchants Géants et, surtout, elle avait trouvé un ami. A quoi lui servait alors de vouloir courir le monde ?

Quand elle rentrait chez elle, Grimpette partageait tout avec ses frères et sœurs : la nourriture que Gaëtan lui avait donnée et le récit de ses aventures. Complice et considérant désormais leur sœur comme une héroïne, la fratrie de Grimpette l’aida à cacher son secret auprès de leurs parents. Cependant, à force de soupçons et d’indices, Papa Souris et Maman Souris finirent par découvrir le pot aux roses.

Un jour ils prirent Grimpette à part.

“Nous allons partir. Le petit Géant est maintenant au courant de notre présence et sait où nous nous cachons. Tu verras que quand il se sera ennuyé de toi il nous chassera ou nous tuera car les Géants n’aiment pas partager leur nourriture et leur foyer.”

Grimpette protesta que Gaëtan n’était pas comme ça. Malgré ses récriminations, la décision de ses parents était irrévocable. Ils partiraient, avec ou sans elle. Elle devait faire un choix.


Le soir du départ, le cœur lourd, Grimpette se préparait à faire ses adieux à Gaëtan.

Alors qu’elle sortait de son trou, elle fut surprise de voir qu’il veillait cette fois-ci en compagnie de ses parents. Prudente, elle se faufila dans un coin de la pièce où elle se dissimula. Tous les trois étaient assis au pied du sapin et ouvraient des boîtes ornées de rubans et de papier brillant avec de grandes exclamations. Tout à son plaisir, Gaëtan semblait avoir complètement oublié Grimpette. Elle vit au loin qu’aucun grain de maïs ne l’attendait à leur point de rendez-vous habituel. Elle sentit sa gorge se serrer.

Finalement les parents de Gaëtan lui présentèrent une boîte différente des autres. Elle n’était pas couverte de papier et semblait plus lourde. Gaëtan l’ouvrit, Grimpette se figea.

C’était un chat.

A peine la boite ouverte, celui-ci bondit à l’extérieur, le museau en l’air comme s’il reniflait quelque chose. Il tourna la tête vers Grimpette. Elle était repérée.

Le chat se rua vers elle et la course-poursuite commença. Alors qu’elle luttait pour sa survie et que le félin jouait avec elle, Grimpette se remémorait les paroles de ses parents sur la cruauté des Grands Méchants Géants et leur capacité à changer de “jouets” en jetant les anciens... Pourquoi ne les avaient-elle pas écoutés ?

Elle se retrouva acculée et, désespérée, abandonna la lutte. Le chat la mordit à la nuque, la souleva et la secoua en tous sens. Alors que la douleur lui brouillait la vue, Grimpette entendit un cri :

“NOOOOOON !”

C’était Gaëtan. Il prit le chat par le cou, le força à lâcher prise, puis il le jeta plus loin sans prêter attention à ses protestations. Avec le plus de douceur possible il prit Grimpette dans le creux de sa main.

Qu’elle se sentait bien dans la chaleur de sa paume…

Il était trop tard, la vie commençait à quitter Grimpette. Mais elle était en paix. Sa famille était en chemin pour se mettre en sécurité et, surtout, Gaëtan avait voulu la protéger. Il était toujours son ami.

Alors qu’il versait sur elle des larmes silencieuses, indifférent aux tentatives de réconfort de ses parents désemparés, Grimpette sentit son âme quitter son petit corps mutilé. Sous la forme d’un fantôme, elle s’apprêtait à s’envoler pour le Paradis des Souris quand elle vit le chat, figé, qui la suivait des yeux. Voulant s’accorder un dernier petit plaisir avant de partir, elle fonça soudainement en direction du félin. Celui-ci prit peur et bondit, le poil complètement hérissé, avant de s’enfuir en courant.

“Bah alors minou tu as vu un fantôme ?” fit maladroitement le père de Gaëtan pour détendre l’atmosphère.

Grimpette trouva ce jeu très amusant et décida finalement de ne pas partir tout de suite.


Depuis ce jour, le petit fantôme de Grimpette voyage à travers le monde. Si vous croisez un chat fixer quelque chose dans le vide et bondir de peur sans aucune raison, c’est peut-être qu’elle est passée près de vous !