[Fanfiction] Bangarang

Francis commençait à avoir mal aux fesses ainsi qu'à ses poignets attachés mais il évitait de se plaindre. Les trois imbéciles qui l'avaient kidnappé voulaient jouer à ni oui ni non et ça ne le rassurait pas trop sur les événements qui allaient suivre. Parce que, sérieusement, comment convaincre des têtes vides que tuer, c'est pas cool ? Il était sûr que ces mecs-là pourraient le massacrer ni par envie, ni par sadisme ou même par obligation, mais juste parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire. Francis ne pouvait s'empêcher de lorgner sur leur stock d'arme pas très loin de la sortie, priant pour qu'ils ne s'y approchent pas. Pour l'instant, il voulait se faire discret pour qu'ils l'oublient, au moins jusqu'à ce que le Visiteur vienne. Enfin, s'il vient. Non pas que Francis doutait de sa gentillesse, mais il avait sans doute des priorités plus... prioritaires. Il n'était pas l'homme le plus important de l'univers, il se doutait bien que le Sauveur préférerait s'occuper de l'humanité du futur plutôt que de son insignifiante existence. Du coup, à chaque minute qui passait et qui l'approchait de plus en plus de l'heure fatidique, il se mettait en tête qu'il ne survivrait pas. Au moment où il se demandait ce qui lui manquerait le plus dans son ancienne vie, un brouhaha monstrueux se fit entendre derrière la porte du bunker qui ne cessa de tambouriner. Des coups de feu et des craquements d'os parvinrent aux oreilles de Francis qui vit les Balourds d'un seul coup se relevant et sortant en même temps de leur bunker. La porte se referma brusquement derrière eux mais Francis put entendre un « Hey regardez les mecs, c'est le Sauveur ! ».

Il poussa alors un gros soupir de soulagement. Qui se bloqua lorsqu'il entendit un bruit derrière lui.

Il tourna légèrement sa tête et vit qu'une des dalles du mur bougeait pour au final se détacher et laisser apparaître un trou béant. En sortit alors... Tess.

« Hey ! Salut toi !

_Euh... Tess ?! Qu'est-ce que tu fous là ?

_C'est simple, je suis le plan de notre ami commun.

_Co...Comment ça ? »

Tess lui expliqua. Le Visiteur avait réussi à trouver une carte des souterrains qui indiquait aussi des passages secrets reliant les bunkers entre eux. Le passage du laboratoire avait été bloqué après quelques travaux mais il connaissait une autre entrée. Lorsque Mattéo est arrivé, il a pu dégager les gêneurs et ainsi mettre sur pied l'idée du Visiteur : pendant que les renforts et lui attiraient l'attention des Balourds, Tess libérerait Francis par l'autre sortie ni vu ni connu, aucunes représailles. Mattéo avait accompagné la jeune fille jusqu'au tunnel puis est parti rejoindre ses amis. Il ne fallut pas longtemps à Tess, qui avait une bonne mémoire visuelle, pour retrouver son chemin.

« Et tu es venu me sauver... malgré le danger, demanda-t-il pendant qu'elle desserrait ses liens.

_Baaaaaaah oui. On n'allait pas te laisser là, et puis tu sais ce n'est pas si dangereux que ça.

_C'était quand même euh... noble de ta part. »

Enfin Francis put se mettre debout face à Tess. Il massa ses poignets tout en sautillant d'un pied sur l'autre, et regardait alternativement ses pieds et le visage de Tess, un peu gêné.

« Et bien... merci. »

Puis, un peu gauchement, il l'embrassa. Pas une pelle gratos non, un léger baiser au bord des lèvres. Comme s'il avait visé la joue tout en lui prouvant que ce n'était pas qu'un simple bisou. Comme un enfant qui a peur d'embrasser tel un adulte. Comme s'il voulait simplement effleurer son cœur avant de savoir si elle le lui offrirait ensuite...

Mais assez de lyrisme pour aujourd'hui.

Tess rougit légèrement pendant que Francis ramassait les affaires que les Balourds lui avaient piqué (et qui ont été évidemment bien amochés), puis elle se frotta le front sous le coup de la chaleur. Pendant que Francis ne put résister à l'envie de voir comment tout se déroulait au niveau du hall d'entrée, Tess, de ses mains immaculées, souleva de nouveau la brique et dit à voix basse :

« Hé ! Mais qu'est-ce que tu fais, il faut qu'on se tire ! »

Mais Francis avait déjà ouvert légèrement la porte et ils entendirent le Visiteur : « Je suis prêt à tout. »

Oh merde.

La main du Visiteur ne tremblait pas, et il regardait droit dans les yeux le Balourd qui lui tenait tête. Ce dernier n'avait réellement pas conscience qu'il pouvait mourir en un clignement de l'œil, ne prenait pas au sérieux les menaces du Visiteur, et tirait même un sourire comme si sa vie n'avait aucune importance. YOLO.

« Je te préviens, dit le Visiteur. Dernière chance. Je compte jusqu'à trois et si tu ne te rends pas avec tes petits camarades, j'appuie.

_OooooOOOooh le ptit Sauveur, j'ai peur ! Vas-y, fais-moi voir à quel point tu as des cojones. Enfin, s'il t'en reste.

_Les mecs, fit Raph.

_Il va pas le faire quand même ? Demanda Constance.

_Je le connais depuis plus longtemps que vous, répondit Mattéo. Mais je ne sais pas.

_Et bien vas-y, tire ! Je n'attends que ça. Soit je vivrais et je ferais de votre vie un enfer, soit tu me tues et je serais la preuve de ta déchéance.

_Tu as vraiment un problème, marmonna le Visiteur.

_Oui. Mon problème c'est toi. Tu prétends te préoccuper de nous, mais mes potes et moi on en a marre de vivre dans ce taudis. Et on ne voit aucune évolution. Tu as échoué, Sauveur.

_Arrête !

_Donne-moi une machine. Je suis sûr que je serais capable de mieux m'en servir que toi.

_Les mecs, refit Raph.

_Ne les écoute pas, fit Mattéo en posant une main sur l'épaule du Visiteur. Tu vaux beaucoup mieux que ces types.

_C'est ce que tu as pensé lorsque tu as rejoint les Missionnaires ? C'est ce que tu as pensé quand Judith est morte ?! HEIN MATTEO ?!

_Attends, c'est toi Mattéo ? Fit le Balourd. »

Les trois Balourds s'échangèrent quelques regards en sifflant entre leur dents.

« Ouah, le mec de la rouquine. Si je m'y attendais. Qu'est-ce que tu fous avec lui, c'est pas à cause de lui que ta copine est morte ?

_Qu'est-ce que... qui vous a dit ça ?!

_Les rumeurs circulent vite dans les souterrains. Et entre nécrophiles aussi.

_Les mecs, redit Raph.

_Rejoins-nous Mattéo, fit le plus petit des Balourds. Tu n'auras aucune règle, aucune obligation, tu pourrais vivre comme un roi et foutre un gros coup de pied au cul à ce gars qui t'a empêché de sauver ta chérie.

_On pourrait même s'acheter une Taverne, fit le plus grand.

_Non, fit Mattéo. J'ai autre chose à faire. Et ce gars comme vous dites est mon ami.

_Je ne mérite pas votre amitié. Ni à toi Mattéo, ni à personne d'autre, disait le Visiteur en regardant successivement Mattéo, Constance, Raph et Henry.

_Arrête de dire des conneries, fit une voix derrière nos trois Balourds. »

Ils se retournèrent et virent Tess, une arme à chaque main qu'elle pointait sur les deux autres débiles du bunker. Francis était pas loin (mais pas trop près non plus, faut pas déconner), une barre en fer à l'épaule.

« Mais qu'est-ce que tu fais Tess ??? fit le Visiteur.

_Toi qu'est-ce que tu fais ? Tu comptes tirer sur cette personne ??

_Tu sais ce que j'ai fait, tu sais que j'en suis capable !

_Uniquement quand il n'y a pas d'autres moyens !

_Ca ne change rien !

_Ca change que tu n'es pas un meurtrier !

_Les mecs, fit Raph en appuyant sa main contre son nez.

_Tu n'es pas un meurtrier et tu ne le seras jamais. Maintenant poses ce flingue ! C'est ta grand-mère qui l'ordonne ! Ce ne sera pas toi qui tirera sur ces idiots !

_Pourquoi ?

_Parce que tu es un héros ! »

Tess pointa une de ses armes sur le médium des Balourds. Mattéo fit de même. Le Visiteur ne bougea pas. Puis il y eut un déclic.

Au loin, un bruit de détonation se fit entendre.

« Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! »

Les deux Balourds étaient pâles comme la mort. Ils ne s'attendaient vraiment pas à ça. Le pire était évidemment la tête du médium, la cible de tous. Mais une seule balle s'était figée dans le mur en béton juste à côté de la porte du bunker. Le Balourd médium était méconnaissable, le visage défiguré par la peur, du sang coulant le long de son cou. Les poils hérissés, et il sembla même au Visiteur que quelques uns de ses cheveux avaient virés au blanc. Pour sûr, voir sa vie défiler devant ses yeux ne devait pas être un super spectacle. Surtout la sienne.

C'était quand même pas une raison pour crier comme ça.

« Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! »

Épuisé, le Visiteur colla une baffe à ce prétentieux ce qui arrêta immédiatement son cri de fillette. Il fut si secoué qu'il en tomba par-terre. Les deux autres, toujours sous le choc (et sous la menace de Tess qui les avait de nouveau en joue), ne bougèrent pas.

« Mais vous êtes complètement malades ! Fit le médium.

_Ben oui je crois, j'ai dû chopé un truc dans les couloirs, dit Raph. »

Un éternuement. Un foutu éternuement.

Depuis tout à l'heure, Raph essayait de les prévenir qu'il avait très envie d'éternuer, mais personne n'avait fait attention (en même temps il se passait des choses plus graves...). Du coup, quand il a fait son « atchoum » retentissant, cela a surpris le Visiteur qui, sans le faire exprès, a appuyé sur la gâchette. Accident bête. Coup de chance pour le médium, comme le Visiteur a sursauté la balle n'a pas traversé son cerveau mais lui a fait un gros trou dans son oreille gauche (idéal pour un piercing tribal ceci dit) qui se mit alors à saigner. L'homme mit la main sur ce qui restait de son appareil auditif.

« Mais vous êtes vraiment cinglé ! J'ai failli mourir !

_Tu le cherchais un peu non ? Dit Mattéo.

_Vous êtes près à nous suivre à la prison des Missionnaires maintenant ? Fit Constance.

_Oui oui oui ! Tout ce que vous voudrez ! »

Les trois Balourds levèrent les mains pour bien montrer qu'ils se rendaient et les renforts de Constance les attachèrent avec des menottes. Tess lâcha ses armes et fit le signe de la victoire au Visiteur. Ouais, fuck les trois Balourds, on a gagné !

Un cortège marcha alors en direction des bureaux avec en premier nos trois Balourds surveillés par des agents armés, suivit par Constance et Mattéo qui discutaient à propos des Missionnaires, ensuite le Visiteur et Henry, ce dernier soutenant son ami en le tapotant à l'épaule, puis Tess et Francis qui se tenaient timidement la main sans rien dire. Raph fermait la marche, silencieux, plongé dans ses pensées en fixant le sol. Au bout d'un moment, Tess se retourna vers lui et lui demanda suffisamment doucement pour que personne d'autres ne les entende :

« Tu l'as fait exprès d'éternuer, avoue-le.

_Je ne vois pas de quoi tu parles, marmonna-t-il tout en continuant de fixer le sol. »

En passant, ils croisèrent des habitants de 2550 qui virent le Visiteur et le pointèrent du doigt en disant : « Hey regardez, c'est le Sauveur ! ». Le Visiteur, gêné, se cacha au dos d'un Missionnaire, mais cela ne l'empêcha pas d'entendre des applaudissements. Il releva la tête et vit que beaucoup l'applaudissaient, le sifflait d'admiration. A ce moment-là, il ne se vit pas comme porteur d'espoir. Mais comme quelque chose de plus grand. Il avait réussi. Il se retint pour ne pas pleurer.

Une fois arrivés, les Balourds furent envoyés en prison, Raph partit rejoindre Michel, et Constance amena Mattéo au bureau des recrutements. Et oui.

Les autres retournèrent au bureau d'Henry afin de récupérer la machine et de rentrer à la maison. Mais avant ils eurent une petite surprise.

« Le scénario de ce qui aurait dû se passer le jour de ton accident ! Il est terminé ! Dit Henry à Tess.

_Alors, qu'est-ce que ça donne ? »

L'ordinateur disait :

« Si Tess n'avait pas eu son accident avec ses parents, voilà ce qui se serait passé ! Tout d'abord ils seraient allés aux courses et là-bas ils auraient rencontrés une personne qu'ils n'avaient pas revu depuis longtemps. Vous êtes tellement content de revoir cette personne que vous décidez de rattraper le temps perdu en l'invitant boire un verre. Cette personne, qui s'appelle Emma, amènera avec elle son fiancé, Benjamin, avec qui vous vous entendrez super bien. Il vous parlera alors de sa folie à propos du beurre de cacahuète et du coup Tess voudra tester ce produit qui est difficilement trouvable en France, mais Benjamin va lui donner une adresse sur Paris pour en acheter en grande quantité... »

« Dis donc, fit le Visiteur, niveau coordination des temps dans un récit ton ordi est pas très au point.

_On s'en fout c'est pas le plus important ! Répondit Henry. »

« Du coup, Tess va aller à cette adresse, acheter son premier pot au beurre de cacahuète pour au final détester ce produit en le goûtant dans la rue juste en face. Elle se demandera alors quoi faire avec tout ce beurre car elle détestait gaspiller et se retrouva en face d'une friperie. Elle se dit qu'elle demandera aux gens qu'elle croisera s'ils aiment le beurre de cacahuète et si quelqu'un répond positivement elle lui offrira le pot. Après de nombreux refus, elle abandonna l'idée et profita d'être dans la friperie pour trouver des vêtements. Elle trouvera alors un super t-shirt Batman pour homme mais qu'elle voudra absolument. Sauf que quelqu'un d'autre avait lorgné sur ce t-shirt et ils se disputèrent longtemps afin de savoir qui l'aura, mais ils finirent par s'entendre si bien qu'au final ils arrivèrent à un accord : ils achèteraient tous les deux le t-shirt et l'auraient une semaine sur deux. A force de se voir pour échanger le t-shirt, ils tombèrent amoureux... pour finir ensemble jusqu'à la fin de leur jour. »

« Ouah c'est... mignon, fit Tess en regardant tristement Francis. Et donc c'est avec ce gars que j'aurais des enfants qui auront des enfants qui auront des enfants et un des enfants de ces enfants sera notre clodo du futur préféré ?

_Exactement.

_Et il s'appelle comment l'homme de ma vie ?

_Francis Aster. »

Tout le monde eut le souffle coupé. Faut dire que la coïncidence était... enfin... une coïncidence, vraiment ? Tess se retourna vers Francis :

« Ton... ton nom de famille c'est ?

_Aster. Je m'appelle Francis Aster.

_On était destinés à se rencontrer alors. »

Et alors simultanément, avec un grand sourire, ils dirent : « Trop cool. »

« Mais alors ça voudrait dire que... dit Henry en vérifiant sur son écran tactile. Oui c'est ça ! La faille est complètement refermée !

_C'est... c'est vrai ?

_Oui ! Plus de cauchemars, plus de lien entre vous, plus de Big Bang !

_Je peux donc le toucher ?

_A la limite du raisonnable bien sûr. »

Et, sans que le Visiteur ait eu le temps de réagir, Tess sauta dans ses bras et lui fit le câlin le plus tendre, le plus doux qu'il n'ait jamais reçu. Enfin, son petit visage dépourvu alors de griffures et de cicatrices contre l'épaule de notre héros, elle dit clairement : « Je suis fière que tu sois mon descendant. »

Le Visiteur la serra plus fort dans ses bras et se mit à pleurer.

Le Visiteur salua en secouant les bras Tess et Francis qui, main dans la main, disparurent le long d'une rue du Paris de 2013. Il avait déjà déposé Raph chez Stella qui leur avait proposé un café qu'ils ont refusé. Puis il retourna au bureau de Henry où il retrouva aussi Constance et Mattéo.

« Alors ? Demanda Constance.

_Alors quoi ?

_Vous allez faire quoi ? Vous savez que vous pouvez nous rejoindre. Mattéo vient de le faire.

_C'est super Constance, dit le Visiteur en souriant à Mattéo. Vraiment super mais... Je n'aime vraiment pas être coincé dans un bureau. Je préférerais rester dans les souterrains, et aider un maximum de gens sans forcément passer par le voyage dans le temps. Annuler des catastrophes ne résoudra pas tout.

_Mais vous allez rester dans notre monde ?

_Je ne peux pas rentrer chez moi. En fait... je crois que mon monde n'existe plus.

_Tout le monde s'en doutait en voyant que vous n'étiez pas parti...

_Mouais... je cherchais un moyen de rentrer mais je vais peut-être devoir me mettre dans l'idée que c'est impossible. Alors je vais rester et aider le plus de monde possible. Si je suis vraiment un héros alors je dois me comporter comme tel.

_Vous êtes toujours sûr de ne pas devenir l'un des nôtres ?

_Oui, je vais éviter d'impliquer d'autres personnes dans ces histoires. On a changé la vie de beaucoup trop de gens. Mais évidemment, si vous avez besoin de moi, je serais là. »

Constance s'approcha et lui tendit la main. Une main que le Visiteur serra un peu gauchement. Mattéo lui tapota l'épaule et Henry le serra dans ses bras (mais plus calmement que d'habitude, yavait du monde).

Là ce serait audiovisuellement parlant un moment où une chanson de Florent Dorin passe en bande originale. Je choisis « My Way To Go ».

Le Visiteur tapota quelques chiffres dans sa machine et fut téléporter dans le bunker qui lui servait de chambre, car il avait quitté l'ancien laboratoire de Henry depuis longtemps. Un matelas dans un coin, un seau à caca dans l'autre, un robinet et un bureau étaient son seul mobilier. Au-dessus du bureau un immense tableau avec une frise était accroché, frise qui allait de 2010 à 2550. Raturée par certains endroits, enjolivée par des post-it et des photos, c'était un joyeux bordel qui représentait le but ultime du Visiteur du Futur. Puis il se tourna vers son lit. Sur le mur, il y avait des photos. Beaucoup de photos. Le Visiteur avait le chic pour voler quelques images chez les gens qu'il... visitait, sans qu'ils s'en aperçoivent. Il avait des photos de Raph et Stella, des photos de Mattéo, des photos de Tim et Léo, des photos de Judith... Des photos de ses amis plus jeunes, voire bébés. Des dessins même, un dessin d'une citoyenne après qu'il lui ait raconté son rêve d'être un renard en string, des gribouillis du visage de Henry. Il avait des anciens croquis du robot pour construire le Castabot, des prospectus du Mattéo garde du corps en free-lance. Il scotchait ces petits bouts de papier, ces petits bouts de souvenirs sur ce mur décoloré. Là, un dessous de verre de la péniche Antipode. Plus loin, des anciennes affiches de la Héros Academy. A cette époque personne ne croyait en lui et il s'en foutait. Il n'avait pas le sens des responsabilités. Mais maintenant...

Le Visiteur fouilla dans les grandes poches de son manteau et sortit un exemplaire du roman que Raph écrivait. Sans que ce dernier s'en aperçoive, le Visiteur avait imprimé les premières pages. Il avait déjà lu quelques passages, ça l'avait fait rire et pleurer, c'était pas normal. Mais ce qui l'avait surtout touché, c'était que Raph avait avoué trouver qu'il était un homme bien. Malgré ses doutes et ses craintes, il croyait toujours en lui et ce jour-là le Visiteur avait découvert qu'il n'était pas le seul. Il y avait peut-être les citoyens de 2550 mais ils ne savaient rien sur ce qu'il faisait. Tess le savait, mais le Visiteur pensait qu'elle était influencée par les rêves qu'elle faisait. Mais Raph, Constance, et Mattéo. Surtout Mattéo. Il ne pouvait pas les décevoir.

Il posa le tas de feuilles agrafées sur son bureau et continua à fouiller. Enfin il tomba sur ce qu'il cherchait. Il ouvrit le tiroir du bureau, prit le scotch, arracha un morceau et colla le petit bout de papier qu'il venait de retrouver sur sa collection de photos. C'était Tess. Elle souriait. C'était à une époque où elle ne connaissait pas encore le Visiteur, où aucune des vies n'avaient été chamboulées. Le Visiteur se rappela de ce que lui avait dit Tess à propos de son autre monde. Une théorie qu'il avait du mal à imaginer. Selon elle, il viendrait d'un monde... qu'il aurait lui-même créé. Le soi-disant "bug" était prévu par... quoi le destin ? Car le monde, que dis-je l'humanité n'aurait jamais pu évoluer aussi bien s'il n'y avait pas eu quelqu'un pour les empêcher de faire des conneries. Le monde parfait d'où viendrait le Visiteur n'a donc jamais su qu'un homme a voyagé dans le temps pour tout réparer. C'est une boucle temporelle, il n'y aurait pas d'univers parallèles en fait. Voilà pourquoi le Visiteur ne peut plus rentrer chez lui. Il y est déjà mais c'est lui qui doit tout reconstruire.